PETITES HISTOIRES NATURELLES
“On a commencé par couper l’homme de la nature, et par le constituer en règne souverain ; on a cru ainsi effacer son caractère le plus irrécusable, à savoir qu’il est d’abord un être vivant. Et, en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné champ libre à tous les abus”
Claude Levi Strauss
Fut un temps, un temps mythique où les passages entre le règne humain et les règnes animal et végétal se rencontraient couramment dans la vie de tous les jours. La fusion entre l’homme et la nature était bien plus intime qu’elle ne le saura jamais plus.
Certaines cultures dites primitives, en opposition à notre culture occidentale, ne considère pas la nature comme simple terrain nourricier. Pour elles, elle est le terrain où l’homme peut rentrer en contact avec les ancêtres, les esprits et les dieux.
La dépendance de l’homme à la nature n’est pas seulement biologique ou physiologique, elle est aussi intellectuelle. Ainsi ces sociétés dites primitives élaborent une logique du sensible ; grâce à une connaissance extrêmement pointue de la faune et de la flore qui les entourent, ils répertorient des qualités sensibles (le haut, le bas, le chaud le froid, la droite, la gauche, les couleurs, les saveurs, les odeurs) en autant de catégories permettant de classer les réalités qui nous entourent, de les associer ou de les opposer, afin de penser l’univers et d’en comprendre le cours. Beaucoup de sociétés primitives vivent l’effacement de cet age d’or de fusion entre les règnes comme la première étape du déclin de l’humanité.
HUBLOT
L’être vivant tout aussi primitif qu’il puisse être est le fruit d’une succession de rencontres hasardeuses, le résultat de l’acharnement à produire de la vie.
Bien que très différents les uns des autres, les êtres vivants sont constitués de molécules d’ADN, qui elles, sont toutes les mêmes, et jouissent d’une forme d’éternité, traversant les corps et les temps, aussi longtemps que durera la vie sur Terre.
Dans les eaux agréablement chaudes de la mer de Flores, au large de Sulawesi en Indonésie, je scrute les fonds marins en quête de ces vies primitives, présentes depuis des millions d’années. Le monde sous marin et le son sourd qui emplit cet espace est fascinant et m’apparait comme un monde parallèle.
Les portraits de ces êtres, incroyablement esthétiques, adoptant des formes étonnantes, usant d’astuces et d’adaptation, sont comme une fenêtre sur l’histoire de la vie, une in- vitation à regarder nos plus lointains ancêtres, et à ne jamais oublier de s’emerveiller de leur existence
JE SUIS UNE PIEUVRE D'ART
Je suis une pieuvre d’art. J’ai les coeurs gros. Trois, précisément.
Un coeur de mousse, en bonne éponge de mer absorbe tout sur son passage. Il filtre les particules émotionnelles avant de dégouliner tout son sel.
Un coeur d’artichaut qui s’éprend des sirènes et tombe amoureux, créant des marées hautes et basses. Il s’effeuille et s’offre comme un bouquet d’anémones sans venin.
Le troisième coeur n’est pas de pierre, mais il est le plus sanguin. Bien accroché et sans répit il ne cesse de battre et de se battre, affrontant les cachalots en colère et les crabes trop pinçants.
Explorer l’intérieur.
Retrouver ses racines.
Les mythologies et les contes nous ramènent souvent dans la forêt. Elle est le terrain de danger, de peur, de quelque chose d’impalpable qui pourrait nous avaler si nous nous y aventurons la nuit. Elle est le terreau d’êtres magiques et invisibles. On parle d’esprit de la forêt.
Bien que l’homme se soit détaché du reste du vivant, et ne voit le végétal que comme une matière première à sa disposition, le monde vert aussi respire, vit et meurt, et celui qui se reconnecte, inconsciemment au fond de son être, sent que la forêt est un endroit qui déjoue sa toute puissance.
ANATOMONYMES
Les Naturalistes ont découpé le monde vivant en familles, une hierarchie des espèces vivantes s’est mise en place, plaçant les végétaux tout en bas de l’échelle, et l’homme tout en haut.
Dans une idée de briser cette compartimentation, et jouant sur les homonymes, la série «Anatomonyme» est une série de dessins fusionnant deux éléments organiques ensemble, créant un mariage qui brise les frontières, et de cette union en sort un concept littéral.
Réalisés au stylo bille et à la mine de plomb, ils sont ensuite numérisés pour être colorisés et traités à la manière des planches naturalistes.